« À vrai dire les Guermantes réels, s’ils différaient essentiellement de mon rêve, étaient cependant, une fois admis que c’étaient des hommes et des femmes, assez particuliers. Ils restent reconnaissables dans la pierre rare de la société aristocratique où on les aperçoit çà et là, comme ces filons d’une matière plus blonde, plus précieuse qui veinent un morceau de jaspe.
Ils ne sont plus un nom pour moi ; ils m’apportent désormais moins que ce que je rêvais d’eux. Moins ? Et aussi plus peut-être. Il en est d’une personne comme d’un monument. Il s’impose à nous par un signe qui a généralement échappé aux descriptions qu’on nous en a données. Ce que je cherchais chez les Guermantes, je ne l’y ai pas trouvé. Mais j’y ai trouvé autre chose. Ce qui est beau chez les Guermantes, c’est que les siècles qui ne sont plus y essayent d’être encore. »
Marcel Proust.
« À vrai dire les Guermantes réels, s’ils différaient essentiellement de mon rêve, étaient cependant, une fois admis que c’étaient des hommes et des femmes, assez particuliers. Ils restent reconnaissables dans la pierre rare de la société aristocratique où on les aperçoit çà et là, comme ces filons d’une matière plus blonde, plus précieuse qui veinent un morceau de jaspe.
Ils ne sont plus un nom pour moi ; ils m’apportent désormais moins que ce que je rêvais d’eux. Moins ? Et aussi plus peut-être. Il en est d’une personne comme d’un monument. Il s’impose à nous par un signe qui a généralement échappé aux descriptions qu’on nous en a données. Ce que je cherchais chez les Guermantes, je ne l’y ai pas trouvé. Mais j’y ai trouvé autre chose. Ce qui est beau chez les Guermantes, c’est que les siècles qui ne sont plus y essayent d’être encore. »
Marcel Proust.
Serge Bagdassarian
Ariane Bromberger
Dominique Bruguière
Aksel Carrez
Pascaline Chavanne
Loïc Corbery
Gilles David
Claire Fayel
Nicolas Faucheux
Pierre Gaillardot
Yoann Gasiorowski
Éric Génovèse
Aurélien Gschwind
Christophe Honoré
Alban Ho Van
Anne Kessler
Laurent Lafitte
Elsa Lepoivre
Sébastien Lévy
Rebecca Marder
Claude Mathieu
Vesna Peborde
Mickaël Pelissier
Sébastien Pouderoux
Pierre Routin
Marlène Saldana
Julie Sicard
Stéphane Varupenne
Camille Seitz
Nicolas Verdier
Florence Viala
« Bien sûr qu’il est ridicule de prétendre adapter Proust, au théâtre, comme au cinéma. Je ne vous propose pas une adaptation mais une séance de nécromancie, il me semble que le théâtre est un lieu où l’on peut sérieusement faire tourner les tables. Invoquer et évoquer n’est pas adapter, c’est lire à plusieurs, c’est déchiffrer, c’est se savoir vivant ignorant parmi les morts qui eux savent. C’est franchir le pont et croire que des fantômes vont venir à notre rencontre. Il n’est pas dit qu’ils soient bienveillants, mais personnellement, avec une armée comme la vôtre, je ne crains pas de me risquer au pays de la littérature.
Ce ne seront pas vraiment des personnages que je vais vous confier, mais des noms: Oriane, Basin, Françoise, Charlus, Villeparisis, Norpois, Saint-Loup, Rachel, Albertine… N’espérez pas qu’ils soient les cintres de costumes taillés sur mesure, ajustés, au tissu épais et rassurant, et qu’il vous suffira de les vêtir avant d’entrer en scène. Les personnages chez Proust ne sont pas fabriqués d’un bloc, ils sont annoncés puis se révèlent constamment infidèles à leur réputation, insaisissables. Ils nécessitent d’être constamment retouchés. N’espérez pas posséder une valise remplie de caractères arrêtés et stables, la peinture que Proust fait de ses personnages n’est jamais achevée. »
Production
La Comédie Française
En partenariat avec
le Comité dans Paris
« Réunissant la vie du dehors et la fiction du dedans, Christophe Honoré conjugue le temps proustien au présent en miroir de la cruauté du monde qu’il nous révèle. L’érotique promesse de cette aventure visant à explorer la terra incognita du désir va se cogner sans cesse le nez
à la vulgarité et à l’antisémitisme endémique d’une aristocratie qui constitue l’écosystème naturel de la Duchesse. L’Affaire Dreyfus attise tous les sarcasmes de cette meute de nantis.
La proposition d’inscrire le spectacle dans un espace de service permet de traquer l’obscénité de ces snobs qui ne font alors que passer pour mieux les épingler entre deux portes, par le rire, à la manière d’un vaudeville. Sous la direction de Christophe Honoré, la troupe excelle dans l’exercice de style de rendre drôle ce qui devrait révolter. Chaque scène dessinée avec humour par une plume délicatement trempée dans l’acide est l’occasion de caricatures résolument jouissives ou d’un portrait de groupe pour renouer avec la méchanceté clownesque d’une farandole chipée à Pina Bausch. »
— Les Inrockuptibles, Patrick Sourd, 15 octobre 2020
« Ce grotesque est contrebalancé par le puissant antisémitisme de l’ensemble de ce milieu.
On retrouve la finesse d’Honoré pour évoquer “l’Affaire”, qui n’est pas au centre de la pièce, comme elle l’était chez Warlikowski, mais ressurgit dans toutes les discussions, notamment
ce très beau moment où Bloch prend la parole. Comme un bain d’acide vient peu à peu révéler l’image d’une photo, l’affaire Dreyfus donne à voir le profond antisémitisme de l’aristocratie française, cette haine archaïque de l’étranger et du juif, qui pousse par exemple le Baron de Charlus à juger que Dreyfus n’est pas un traître, puisqu’il n’a pas trahi son pays, “la Judée”. Charlus, la méchanceté innée de ce personnage à qui Honoré confie une très belle scène,
le snobisme consubstantiel de cet homme que le narrateur ne parvient pas à détester, transmettent on ne peut mieux ce que Proust témoigne de ce monde sur le point de disparaître. Guermantes déliquescent, mais à tout moment renaissant, comme les flocons de neige qui à la fin de la pièce tombent sur les jardins des Champs-Élysées. »
— Transfuge, Oriane Jeancourt Galignani, 19 octobre 2020
« Certes, le théâtre Marigny est situé dans un écrin de verdure, où poussaient jadis des cattleyas d’Odette. Un clin d’œil qui n’avait rien pour rassurer Christophe Honoré. L’auteur de L’Affaire P’tit Marcel (Ecole des Loisirs, 1997) avait à sa disposition les meilleurs comédiens de la Terre, une scène large et encore approfondie par l’ouverture sur les jardins. Il avait entre les mains un des textes les plus emblématiques de l’histoire de la littérature. Que croyez-vous qu’il fit ? Un traitement, une lecture, une adaptation ? Par Sainte Madeleine, préservez-nous !
Il a arraché toutes les pages du livre, et il les a jetées en l’air. Voilà comment, mieux que de rendre hommage au texte, il l’a mis à l’épreuve. Il fallait qu’il ait confiance en lui pour le confronter ainsi à Léo Ferré (“Ton style, c’est ton cul”). Il pouvait compter sur la Providence pour que ces pages retombent aux bons endroits, entre de bonnes mains. Mais il fut en cela aidé par son perchman qui, tout au long de la pièce, chasse ces papillons épars, les épingle, les enfile. La chorégraphie de ce montage plein d’intelligence et de tact fixant dans l’air la passion du cinéaste pour la littérature. »
— L’Express, Christophe Donner, 19 octobre 2020